Etude sur les
commissions d’intervention
Par Gérard FAURE dit FAURE-KAPPER
Destinée aux responsables des services juridiques des banques et à leurs avocats.
Les commissions
d’intervention font l’objet d’une polémique récurrente entre les banques et
leurs clients
Pour les clients, les
commissions d’intervention alourdissent le coût des découverts, et doivent être
incluse dans le TEG (taux effectif global)
Le client
présente des faits au
tribunal (le prêt m’a coûté 8€)
Pour les banques, les
commissions rémunèrent un service totalement indépendant de l’accord du
découvert.
La banque oppose
des hypothèses (si nous n’avions pas prêté, nous aurions
quand même facturé 8€)
Cette étude à
pour but d’éclairer utilement chacune des parties, banques, clients, mais aussi
avocats et juges.
1°) Contexte et description rémunéré
par les commissions d’intervention
2°) Pourquoi cette polémique
5°) Lignes de défense de la
banque
6°) Etude technique des
jurisprudences
7°) Conclusion
1°) Contexte et
description du travail rémunéré par les commissions d’intervention
Un
prélèvement se présente sur un compte. L’ordinateur constate l’absence de
provision. Il suspend le paiement.
Le
chargé de clientèle est saisi. Il doit mener les investigations nécessaires
pour décider s’il accorde un découvert sur ledit compte, afin de permettre le
paiement de l’écriture.
En
pratique, du fait de la connaissance qu’il a de ses clients, il prend la
décision instantanément pour la grande majorité des comptes présentés.
Puis
l’ordinateur vérifie de nouveau le solde et constate que le débit est autorisé.
Il passe l’écriture.
La
banque va se rémunérer pour cette opération d’accord de découvert en facturant
une « commission d’intervention » au client (en général, 8€).
2°) Pourquoi
cette polémique
D’évidence,
la commission d’intervention est liée au découvert puisque c’est la décision de
l’accorder qui est rémunéré par cette facturation.
Dès
lors que l’on admet cette évidence, les commissions d’intervention alourdissent
le coût des découverts et en augmentent mécaniquement le taux.
En
conséquence, la banque est en tort puisqu’elle a omis d’inclure ces commissions
dans le coût du découvert.
Elle
présente donc un TEG erroné. Dans la pratique, cette infraction est très
souvent doublée par une autre : le TEG réel franchit le seuil de l’usure
défini par la Banque de France.
3°) Lignes de
défense de la banque
Les banques vont utiliser tout le
talent et la force de persuasion de leurs avocats pour nier les faits et imposer
des hypothèses devant les juges. Elles n’ont pas d’autre choix.
Ce
qui suit provient essentiellement de l’analyse des « conclusions »
produites par les avocats des banques pour assumer la défense de celles-ci.
Nous
retrouverons cinq axes de défense principaux :
Par rapport à
la définition des termes employés
Par rapport
aux contrats signés
Par rapport
aux textes, aux jurisprudences et aux positions officielles
Par rapport
aux comportements des clients
Par rapport à
la définition du travail effectué, objet de la facturation
Par rapport
aux qualifications de l’auteur de l’étude
Par rapport à la définition des termes employés
Les frais de
forçage sont-ils différents des commissions d’intervention ?
Non,
ces appellations recouvrent souvent la même réalité : la rémunération
de la décision d’accorder un découvert.
Le
terme « frais de forçage » a été utilisé jusqu’en février 2008 quand
un arrêt de cassation a condamné les banques, reconnaissant qinsi que ces frais
alourdissaient le coût des découverts.
Pour
contourner cette jurisprudence, les banques ont alors utilisé le terme
« commission d’intervention ». Comme son nom l’indique, c’est
l’appellation générique.
Les
juges ne s’y sont pas trompés. Un arrêt de cassation du 8 janvier 2013 précise « Il appartient au juge de
rechercher si la commission litigieuse constitue le prix d'un service lié à la
tenue du compte des clients ou un service de caisse, distinct d'un crédit, de
sorte qu'elle ne constituerait pas la contrepartie de ce crédit. »
D’évidence,
les deux termes recouvrent la même réalité et le même travail effectué.
La banque évoque
un « incident de paiement »
La
banque évoque souvent le terme « incident de paiement. » Celui-ci est
impropre.
Si
la banque paie l’écriture, il n’y a pas d’incident de paiement par définition.
Si elle refuse de payer, il y a incident de paiement entre le client et le
bénéficiaire, mais la banque n’est
pas concernée.
Que recouvre la
notion de « Découvert non autorisé »
La
banque utilise souvent le terme de « découvert non autorisé ». Ce
terme est impropre.
En
effet, comment parler de découvert non autorisé pour un découvert que la banque
vient d’autoriser (personne d’autre ne peut le faire). Ce terme est inapproprié.
En
fait, le terme exact est « découvert
non contractualisé ». Cette inexactitude de langage provient d’une
mauvaise habitude. Elle est aujourd’hui passée dans le jargon bancaire.
Par rapport aux contrats signés
La banque évoque
les engagements du client dans la « convention de compte »
Souvent,
les conventions de compte précisent qu’en cas d’absence de provision, la banque
« peut » étudier la
possibilité d’autoriser un découvert supplémentaire.
Le
client ne conteste nullement cet engagement. Et demander tacitement un
découvert à sa banque n’est pas proscrit dans la convention de compte.
Conformité
grille tarifaire
Le
fait que les tarifs soient annoncés dans la grille tarifaire et acceptés par le
client ne change en rien au problème.
Ce qui est en
question, c’est le coût du découvert, pas les tarifs des commissions.
En
tout cas, le client ne conteste ni les tarifs, ni la connaissance qu’il a de
ceux-ci.
Par rapport aux positions des autorités
Les banques se
réfèrent à deux avis ministériels
Les
banques se réfèrent à 2 réponses ministérielles de 2011 qui précisent que « les commissions d’intervention qui ne
sont pas liées au découvert, ne rentrent pas dans le calcul du TEG ».
D’une
part, une réponse ministérielle n’est pas une jurisprudence, et d’autre part,
le corolaire de cette phrase est « Les
commissions d’intervention qui sont liées au découvert, rentrent dans le calcul
du TEG ».
Le
ministre de l’économie précise bien « Sous
réserves de l’appréciation souveraine du tribunal. »
Ces
deux références utilisées par les banques ne peuvent être utilisées dans un
procès où les faits sont bien établis et reconnus alors que ces propos sont des
réponses à des questions écrites évoquant des hypothèses.
Par rapport aux jurisprudences
Les
tribunaux ont eu, par le passé, à juger d’autres requêtes portant sur les
commissions d’intervention. Ils ont jugés de deux manières différentes :
Soit le plaignant n’avait pas produit
d’étude
permettant de séparer les différents frais d’intervention : ceux liés aux
découverts et ceux non liés aux découverts.
Le
tribunal a débouté le client.
Nous
avons ainsi les arrêts de cassation du 22
mars 2012 et du 8 juillet 2014
Soit le plaignant a produit une étude
détaillée
séparant clairement les frais d’intervention liés aux découverts et ceux non
liés aux découverts.
Dans
ce cas, le coût exact des découverts est défini et détaillé dans un rapport
contradictoire pour lequel la banque n’a pas présenté d’objection.
Les
faits étant établis, le juge a donné logiquement raison au plaignant
Le 2 novembre 2016 Tribunal de Proximité
de Pantin
Le 7 mai
2015, Cour d'Appel de Paris
Le 22 septembre 2014, Tribunal de proximité de Thionville
Le 26 mai 2014, Tribunal du Commerce de Lyon
Le 23 décembre 2011, Tribunal d'Instance d'Ivry sur Seine
Dans toutes ces affaires, l’étude avait
été confiée à Gérard Faure par l’intermédiaire de l’association APLOMB.
Par rapport au comportement du client
La banque évoque
le « comportement fautif du client ».
Si
le client émet des chèques alors qu’il n’a pas la provision, il est en faute
par rapport au bénéficiaire. La banque n’est que mandataire des paiements et
n’est pas concernée.
La banque évoque
une « situation anormale »
Pour
justifier sa tarification, la banque peut évoquer un fonctionnement anormal du
compte. C’est un terme impropre : demander un crédit à sa banque n’est
pas une situation anormale.
La banque
fustige la « mauvaise gestion du client »
Terme
que la banque est incapable de définir. Et la banque est-elle assez vertueuse
pour accuser le client ?
Immixtions dans
la gestion et chantage
Réaction courante des banques : « Dans ce cas, on refuse
systématiquement tout et on retire toutes les facilités de découvert. »
C’est le chantage habituel des agences qui
supportent mal le fait qu’un client puisse user de son droit de vérification.
Par rapport à la définition du travail objet de cette
facturation
En
gras et italique, les réactions courantes des banques.
« Les frais sont
indépendants de la décision, ce sont des frais d’examen de compte »
Cet argument n’a aucun sens. Si le banquier
veut « examiner » les comptes, c’est à son initiative et il ne peut en aucun
cas facturer cette intervention stérile. Par contre, si cet « examen » est lié
à la décision de prêter ou non les fonds manquants pour une écriture se
présentant à découvert, alors les frais alourdissent le coût le cas échéant.
« Les frais sont
la répercussion des coûts de traitement »
Lorsqu’une écriture se présente, l’ordinateur
vérifie la position du compte. (Si solde > ou = montant écriture, alors
passer l’écriture au débit. Sinon, fichier « décisions à prendre » ou
selon ordre donné, rejet systématique.)
Le fichier est présenté au chargé de clientèle.
S’il accepte, un clic dans la case acceptation. S’il refuse un clic dans la
case refus.
Si c’est oui, l’ordinateur passe l’écriture au
débit du compte.
Depuis l’informatisation des agences, il n’y a
plus d’autres traitements. Et puis, la banque peut-elle définir le coût en
électricité d’un ordinateur traitant des milliers d’écritures en une fraction
de seconde ?
« Ce sont des
frais d’écarté »
Ce terme a été utilisé jusqu’au milieu des
années 70, avant l’informatisation de masse. Les écritures étaient alors passés
par un(e) employé(e) qui prenait le « carton perforé » du client,
vérifiait le solde, et tapait le montant sur le clavier de sa machine..
En
cas d’absence de provision, l’employé(e) « écartait » la fiche
concernée. Un(e) employé(e) comptable apportait alors le paquet de fiches au
« chargé de clientèle ».
Ceci
à disparu depuis 40 ans dans les banques.
Bien
sûr, les avocats actuels des banques ne peuvent connaître ces subtilités et ces
précisions. C’est pour cette raison qu’ils utilisent encore, 40 ans après, le
terme « frais d’écarté » qui est galvaudé.
« L’ordinateur
prend les frais automatiquement »
L’ordinateur peut-il s’affranchir des lois
imposées aux humains ? Non bien sûr, et l’argument est ridicule. C’est pourtant
celui qui est le plus fréquemment utilisé par le personnel des agences.
« Les frais sont
pris car le découvert est non-autorisé »
Et qui n’a pas autorisé le découvert en
contradiction avec l’employé qui a accepté de prêter les fonds pour le paiement
de l’écriture.
Rappelons que la notion de « découvert non
autorisé » si souvent mise en avant par les banques, n’a aucun sens puisque le
banquier a toute latitude pour accepter ou refuser (cf. conventions de compte)
Le vrai terme est « découvert non
contractualisé. »
En conclusion
D’un montant de
l’ordre de 8€, les commissions d’intervention rémunèrent la décision de l’agent
d’accorder un découvert sur un compte afin quel le client puisse honorer une
écriture.
Ces frais
alourdissent le coût des découverts et augmentent mécaniquement le taux
effectif global.
Les banques sont
parfaitement conscientes que ces frais d’intervention doivent être inclus dans
le TEG. Mais le reconnaître les obligerait à rembourser leurs clients.
Cette étude
établie des FAITS.
Ces FAITS sont
soumis contradictoirement à la banque.
Force est de
constater que la banque ne conteste pas les FAITS.
A ces FAITS, la
banque oppose des HYPOTHESES.
Seuls les FAITS
dûment établis et reconnus par l’adversaire peuvent servir de base au jugement.
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