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lundi 10 décembre 2012

Grande souscription pour donner aux agents du fisc, les moyens de nous contrôler.



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Agents du fisc : « On ne nous donne pas les moyens de contrôler »

Rozenn Le Saint | Journaliste

Rémy Garnier dans Le Parisien (Capture d’&eacute ; cran du Parisien.fr)
L’homme au centre de l’affaire Cahuzac était surnommé « Columbo » par ses collègues, pour sa propension à jouer les fins limiers. C’est lui, Rémy Garnier, qui le premiera soupçonné l’actuel ministre du Budget d’avoir ouvert un compte en Suisse. Il avait rédigé une note sur le sujet pour alerter sa hiérarchie.
Rémy Garnier était alors un « vérificateur fiscal », rattaché à la brigade d’Agen (Lot-et-Garonne). Un métier malmené par les réductions de moyens et d’effectifs, et dont l’efficacité face à la fraude risque de s’émousser. Enquête.

« Les collègues n’ont plus le temps de nous préparer les dossiers »

Jean-Jacques Feitour est en quelque sorte le « Columbo » de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine). Il est vérificateur au fisc, comme l’était Rémy Garnier.
Le délégué syndical Solidaires malouin regrette les 13 500 suppressions de postes en cinq ans à la Direction générale des finances publiques (DGFIP), née de la fusion des Impôts et du Trésor public. Car, par manque de personnel, les fonctionnaires des impôts n’ont plus le temps de contrôler les resquilleurs. Mais ce n’est pas tout :
« Les collègues nous préparaient des dossiers bien ficelés avant que nous partions sur le terrain vérifier la comptabilité des entreprises. Ils n’en ont plus le temps. »
Surtout, les agents administratifs, les plus touchés par les baisses d’effectifs, constituent le premier barrage contre la fraude fiscale (fausses déclarations, organisation d’insolvabilité, etc.), l’œil expert qui déclenche le processus de vérification.

Des contrôleurs... qui reçoivent le public

David Cocault contrôle les dossiers fiscaux à Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor). Pour ce représentant de Solidaires, syndicat majoritaire à la DGFI :
« La saisie des déclarations est laissée à des auxiliaires non formés, qui, eux, ne détectent pas les anomalies en les lisant. »
Quant aux contrôleurs, ils doivent maintenant recevoir le public. Pendant ce temps-là, ils ne sont « pas à 100% » à leur notre mission : le contrôle fiscal.
« Nous n’avons plus les moyens de vérifier les montants des frais réels professionnels déclarés, par exemple, alors que certains sont clairement douteux. »

« Le seul ministère qui rapporte de l’argent ! »

Depuis 2007 et le lancement par Nicolas Sarkozy de la Réforme générale des politiques publiques (RGPP), censée réaliser des économies, deux départs à la retraite sur trois ne sont pas remplacés aux Impôts et au Trésor public. Et l’ère Hollande n’annonce pas de changement.
Pour 2013, plus de 2 000 suppressions de postes sont annoncées. Sauf que ces coupes dans les effectifs ont une incidence directe sur les recettes de l’Etat, comme l’explique une employée de Pantin (Seine-Saint-Denis).
« Le ministère de l’Economie, dont on dépend, est le seul qui rapporte de l’argent !
Après on nous répète que la lutte contre la fraude fiscale est primordiale. C’est du pipeau, on ne nous donne pas les moyens de contrôler ! »
En 2013, le gouvernement se fixe même comme objectif de récolter un milliard d’euros supplémentaire sur les 3 à 5 milliards récupérés chaque année par la DGFIP dans sa croisade fiscale. Une goutte d’eau dans l’océan de fraudes : tous les ans, entre 40 et 50 milliards d’euros échappent aux filets de l’Etat. Le paradoxe est aussi souligné par Véronique Grataloup, de Solidaires, qui travaille à la fiscalité immobilière de Lyon :
« Supprimer les postes qui font rentrer de l’argent, c’est se tirer une balle dans le pied ! »

Peu de vérifications sur la redevance télé

La liste des fraudes faciles car non contrôlées s’allonge à mesure que les effectifs de la DGFIP s’affinent. Une employée administrative de Seine-Saint-Denis détaille :
« Il y a des petits malins qui savent où on en est ! Ils peuvent continuer à ne pas déclarer leur téléviseur pour ne pas payer la contribution à l’audiovisuel public puisque les agents censés les contrôler ne sont que trois dans le département. Ils ne visiteront pas l’ensemble des foyers fiscaux ! »
Cette fonctionnaire dénonce un autre filon :
« Certains savent exactement combien d’heures déclarer pour toucher une prime pour l’emploi importante. On devrait leur demander des justificatifs et la leur retirer, mais la vérification n’occupe plus que 5% de notre temps, c’est pourtant la tâche la plus intéressante, celle qui fait marcher le ciboulot !
Quand on détecte des éléments douteux, on les envoie à la cellule de contrôle. Mais ils étaient quatre et ils ne sont plus que deux. Eux aussi sont submergés… Beaucoup de cas passent à l’as ! »

« Ça va craquer dans tous les sens »

Davantage d’objectifs inatteignables et de dossiers à traiter à la chaîne, des files d’attente qui s’allongent à l’accueil, des coups de fils incessants de contribuables perdus dans leur télédéclaration ou qui demandent des délais de paiement… Et inévitablement, davantage de stress, comme en témoigne Dominique Scotto, de la DGFIP de Nantes (Loire-Atlantique) :
« De plus en plus de copines pleurent dans les couloirs. Les gens dépriment, on gère trop de choses, ça va craquer dans tous les sens. »
Du côté de la direction, on met en avant un taux d’absentéisme constant depuis cinq ans, autour de 6%, et surtout, un arsenal de mesures face aux risques psychosociaux :
  • un réseau de médecins du travail,
  • un guide de prévention,
  • la mise en place d’un tableau de bord de veille sociale,
  • un cursus de formation aux conditions de vie au travail.

Une petite maison sur une balance(Images_of_Money/Flickr/CC)
Martine Opportun, représente Solidaires au Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la DGFIP de Pornic, est bien placée pour témoigner de la montée des risques psychosociaux et de la perte de sens du travail des agents, dont la moyenne d’âge atteint 47,5 ans.
« Quand on dit qu’on en a plein le dos, c’est au sens propre et figuré. Les collègues sont arrêtés pour des lumbagos ou des lombalgies de plus en plus longtemps, ils décompressent en même temps.
Par manque de personnel, le contrôle fiscal est axé sur les dossiers les plus rentables, dits “à fort enjeu fiscal” : ceux-là sont épluchés de A à Z. Tous les contribuables ne sont plus traités de manière égalitaire, on perd le cœur de notre métier ! »
C’est aussi le sens de l’interrogation d’un contrôleur du Maine-et-Loire :
« Notre hiérarchie nous dit de nous donner des priorités, or c’est un choix politique ! De quel droit, nous, fonctionnaires, déciderions-nous de qui peut s’en mettre plein les fouilles sur le dos de l’Etat et qui ne peut pas ? »
La direction elle, rappelle « l’impossible exhaustivité ».

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