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mardi 23 octobre 2012

Étude de cas n° 3 : La non signification présumant un conflit d’intérêt



Par l'équipe pédagogique de l'APLOMB
  
Ces études ne revendiquent qu’un but pédagogique. Il s’agit, à partir d’un exemple concret, d’inciter à raisonner selon une logique juridique. Les énoncés des problèmes ne s’appuient que sur des faits précis et prouvés. Nous ne citerons pas les études concernées mais nous donnerons certaines indications afin qu’elles se reconnaissent pour leur permettre d’analyser et de comprendre leurs actions. Le cas échéant, d’en tirer les conclusions et de prendre les mesures correctives nécessaires.
www.aplombfrance.fr



Étude de cas n° 3 : La non signification présumant un conflit d’intérêt
  
Le dossier est actuellement devant le juge de l’exécution et le résultat sera publié sur ce blog.
  
LES FAITS ;

Monsieur et Madame Martin (nom pris au hasard) découvrent le 27 septembre 2012 que leurs comptes sont bloqués à la Banque Postale.

Ils n’ont aucune idée de l’origine de ce blocage et les employés de la Banques sont dépassés par le problème.

Le 10 octobre, soit 12 jours plus tard, Madame Martin reçoit une lettre de l’étude Piquet et Molitor qui l’avise de l’existence d’une « dénonciation de saisie attribution »

Très peu d’indications, sinon que le demandeur est Consumer Finance venant aux droits de (inconnu).

Aucun montant n’est porté et il y a simplement la référence d’un jugement rendu le 11 juillet précédent.

Madame Martin n’a jamais été avisée de quoi que ce soit. Un appel téléphonique à la Poste l’informe qu’il s’agit d’un montant de l’ordre de 9.000€.

De plus, Monsieur, qui est co-titulaire du compte joint n’a jamais reçu aucun courrier. Pourtant ses pensions d’invalidité, réputées insaisissables, sont bloquées.

La situation fin octobre est donc la suivante : depuis trois semaines, la famille Martin n’a plus la possibilité de trouver le moindre centime. L’alimentation quotidienne est limitée à des ingrédients trouvés au fond des armoires ou du congélateur.

La première victime étant leur enfant de 11 ans qui ne mange qu’une fois par jour, à la cantine. Étant malade depuis quelques jours, une gastro, les parents n’ont aucun moyen d’acheter le moindre médicament. Bien sûr ils cotisent à la sécu et possèdent une mutuelle, mais il faut avancer le prix des médicaments.

Cette situation qui paraît extraordinaire à beaucoup est pourtant le lot quotidien de cette classe moyenne qui n’a droit à rien, sinon de payer.

La clerc d’huissier, un femme de 41 ans, qui a été tenue au courant de cette situation, semblait se réjouir du fait que la pression portait ses fruits.

  



ANALYSE

Nous sommes dans la situation classique du conflit d’intérêt. L’huissier, cabinet de recouvrement, utilise ses prérogatives d’officier ministériel assermenté pour récupérer une certaine somme.

Origine de l’affaire : madame Martin avait souscrit un crédit auprès de Finaref, il y a de nombreuses années.

En refaisant les calculs de Finaref, elle se rend compte que les taux sont erronés, et que cet établissement se rend coupable de prêt usuraire.

En 2011, afin de vérifier, elle demande à Finaref communication de l’offre préalable ainsi que l’extrait de compte avec le détail des remboursements en capital et intérêt. Aucune réponse.


Le 22 août 2012, madame Martin reçoit une lettre simple de la SELARL Erick Piquet et Molitor, huissiers de justice à Paris, l’invitant à se présenter à l’étude « afin de faire le point sur le dossier » Ils l’informent qu’ils sont chargés par « Consumer finance venant aux droits de (inconnu) » pour recouvrir une somme de 13.191,22€.

            Le seul élément dont madame Martin est sûre, c’est que cette somme est demandée consécutivement à un délit d’usure présumé.

            L’huissier était au courant de ce délit. En effet, sa charge impose un devoir de vérification, de prudence et de diligence. C’est donc en toute connaissance de cause qu’il se rend coupable de recel de délit d’usure présumé.

            Les quelques échanges téléphoniques font allusion à un jugement qui lui aurait été signifié par lettre simple à la même époque. Madame Martin n’en a aucune trace. Par contre, on l’informe d’un montant totalement différent, le tribunal ne reconnait qu’un montant de l’ordre de 8.800 euros, soit environ 4.400 euros de moins. Selon toute vraisemblance, le juge a annulé les intérêts d’origine usuraire.

            Ceci explique le décalage entre la tentative de l’huissier, « cabinet de recouvrement » voulant récupérer la totalité, y compris la partie usuraire, et le même huissier « officier ministériel assermenté » obligé de signifier un acte et le faisant par lettre simple.

            Si l’on essaye de qualifier pénalement cette action, on pourrait, avec toute la prudence qui s’impose, parler de tentative d’extorsion de fonds par un officier ministériel assermenté dans l’exercice de ses fonctions. Mais ceci n’est qu’une hypothèse de travail dans un but pédagogique.




POURSUITES.


Première urgence : dégager la saisie attribution sur le compte pour rendre à la famille Martin un minimum alimentaire.

Il s’agit d’une saisine du juge de l’exécution par voie d’assignation.

Les époux Martin devront contacter un avocat pour la rédaction de l’acte et un huissier pour la signification.

Il est a noter que les significations sont autorisées par courrier simple quand il s’agit d’un particulier mais impossible quand il s’agit d’un huissier. Deux poids, deux mesures.

Celle-ci va demander la mainlevée de la saisie sur le compte au double motif :

Monsieur n’a jamais reçu aucune signification, c’est pourtant son compte joint et ses pensions qui sont saisies en totalité.

L’acte aurait dû être signifié « à personne » à madame et non par lettre simple.



Une précision de procédure.

L’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des libertés et des droits de l’homme de 1950 stipule que le « droit à un procès équitable » est un droit inaliénable.

La première condition pour que ce droit puisse s’exercer, c’est que chacune des parties puisse avoir connaissance des différents actes juridiques.

L’article 654 de code de procédure civile y répond d’une manière simple : la signification « doit être faite à personne. »

Pour ce faire, la lettre simple ou recommandée est insuffisante. Il faut passer par un « professionnel », c'est-à-dire un officier ministériel assermenté, qui remettra le pli en main propre à l’intéressé.

C’est le seul et unique moyen d’être sûr que la personne concernée soit au courant et puisse ainsi, faire valoir ses droits de défense.


Mais, dans certains cas, cela s’avère impossible.

Passons sur les personnes disparues, les fausses adresses ou les situations qui rendent cette signification effectivement impossible.


Si le domicile et/ou lieu de résidence de la personne est clairement identifié, et que la personne est absente.

Par hypothèse, la remise de l’acte est impossible.


C’est la position que l’étude Piquet et Molitor va défendre devant le tribunal.

Par contre, l’avocat de Madame Martin va s’appuyer sur les jurisprudences en la matière, notamment de la cour de cassation.

Après avoir rappelé l’importance de la signification, il demandera au juge de porter son attention sur le « procès verbal de diligence »

Sur celui-ci, il est simplement noté le constat que le destinataire est absent.

Mais l’huissier aurait dû indiquer toutes les démarches et diligences qu’il a pu entreprendre afin de rencontrer la personne.

Il possédait de manière certaine deux éléments : l’adresse de l’employeur de madame ainsi que les téléphones du couple.

Pourtant il n’a rien fait.

Non seulement il a ainsi voulu priver monsieur et madame Martin de leurs droits, mais surtout pris un risque énorme vis-à-vis de son client, Consumer Finance qui a toutes les chances de voir cette saisie attribution annulée par le juge.


Si nous restons dans l’hypothèse de cette annulation de la saisie, le jugement principal lui ne sera pas automatiquement annulé.


Les délais étant passés les époux Martin n’auraient que le recours auprès de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

Heureusement qu’il y a cette lettre réclamant une dette de 13.100 euros alors que le tribunal n’aurait retenu que 8.800 euros.


Il appartient à l’huissier de fournir ses explications, mais il y a néanmoins une très forte présomption de conflit d’intérêt.

En tout cas, la qualification sera pénale.


Et si le jugement de juillet est annulé, alors il appartiendra à Consumer Finance de relancer la machine, très probablement avec un autre huissier.

Seulement, il devra bien fournir les contrats et extraits de compte demandés.

Et le juge prononcera quasi automatiquement la déchéance de l'ensemble des intérêts.

2 commentaires:

  1. Bonjour,
    Avez vous la suite de cette affaire ?
    Merci

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  2. Je suis exactement dans ce cas aujourd'hui.
    Que dois-je faire?????

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