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dimanche 12 février 2012

L’influence de Cheminade empêche-t-elle les banquiers de dormir ?


par Karel Vereycken

9 février 2012 (Nouvelle Solidarité) — Depuis que François Hollande, lors de son allocution au Bourget le 22 janvier, a évoqué l’urgence de séparer les activités des banques de dépôts de celles des banques d’affaires, nos banquiers semblent de plus en plus hantés par une idée cauchemardesque : la séparation totale, non pas des activités bancaires, mais des banques elles-mêmes, dans un remake du Glass-Steagall Act imposé par le président Franklin Roosevelt en 1933 et défendu depuis des années par l’économiste américain Lyndon LaRouche et Jacques Cheminade en France, deviendra-t-elle, au-delà des paroles, une réalité, ou pourra-t-on, en combinant les menaces et les sophismes, l’éviter ?

C’est d’outre-manche que sont venus les premières charges contre le candidat socialiste. D’après le Times, le maire de Londres Boris Johnson a déclaré : « Je ne veux pas me mêler de la politique intérieure française, mais nous tenons à éviter que les Français ne commettent une erreur qui porterait tort à l’économie britannique. Il est essentiel qu’un élément vital du secteur britannique des services [financiers] ne soit pas endommagé pour des questions de vindicte politique à court terme ».

Ensuite, c’était le tour au Wall Street Journal Europe de relancer l’attaque. Dans son édition du 2 février, Mark Grant, à la tête d’un grand fonds spéculatif de la place et un des « grands sorciers » de Wall Street semble jeter un sort à Hollande. Grant avertit « les marchés » que « l’homme qui cherche à remplacer le Président français Sarkozy a fait savoir qu’il cherchera à renégocier le nouvel accord fiscal de l’Union européenne risquant de couler l’alliance franco-allemande ». Alors que les dirigeants européens ont renouvelé leur soumission à une politique d’austérité suicidaire, la France, affirme Grant, « pourrait devenir l’épicentre d’une nouvelle onde de choc de la zone euro. Les politiques de Hollande et sa réticence devant des mesures d’austérité pourraient l’amener vers un affrontement avec la chancelière Angela Merkel (…) ».

Plus précis, en France, d’après Les Echos du 6 février, « jusqu’ici restés silencieux, les dirigeants des banques françaises ont commencé à réagir ces derniers jours aux propositions du candidat socialiste à l’élection présidentielle, François Hollande, notamment à celle visant à séparer, au sein des banques, les métiers de banque d’investissement et de banque de détail ».

Dans une conversion miraculeuse, le PDG de la Société Générale Frédéric Oudéa, président de la Fédération bancaire française (FBF), annonce même que les dirigeants des banques sont « prêts à discuter ». Ce banquier soudainement « atterré » reconnaît enfin qu’ « il est parfaitement légitime de dire : nous ne voulons pas que les dépôts des Français ou les contribuables soient mis à risque par des activités spéculatives sans intérêt pour l’économie ».

Alors qu’il est facile de constater que depuis 2008, tout a recommencé comme avant mais en pire, Oudéa nous chante que depuis le début de la crise, « beaucoup de choses ont déjà changé ». Pour lui, une loi forçant la séparation des banques serait « une mauvaise loi », car il faut dans les activités de marché, « distinguer ce qui est spéculation et ce qui est nécessaire au financement des entreprises ».

Pour sa part, lors d’un interview au Huffington Post France, François Pérol, le président du directoire du groupe bancaire Banques Populaires-Caisse d’Epargne (BPCE), se dit « d’accord pour interdire aux banques toute activité spéculative » lorsqu’elles agissent « pour leur compte. (…) Sur le principe, on a le droit de demander aux banquiers de se consacrer à leurs clients et de ne pas spéculer avec leur argent ». Pour l’éviter, il plaide pour qu’on adapte à la France, la règle Volcker, inopérante mais supposée interdire le trading pour compte propre.

Interrogé le 7 février dans Le Monde, Jean-Michel Naulot, un ancien banquier qui a fait tout sa carrière chez Indosuez, s’érige en porte-parole pour toute la profession et clame qu’il ne « faut pas se tromper de réforme ! »

Pour lui, la messe est dite. Si le G20 n’a jamais parlé de réformer la structure des banques, « ce n’est pas un hasard », car la crise « n’a en effet pas véritablement révélé leur nécessité ».

Cependant, s’inquiète-t-il, « depuis quelques semaines, plusieurs déclarations ont attiré l’attention sur l’intérêt qu’il y aurait à revenir au Glass-Steagall Act, à séparer les banques de dépôt des banques d’investissement. Certains ont même préconisé d’adopter la réforme qui est actuellement en discussion au Royaume-Uni, voire une version plus dure de celle-ci ».

Après avoir démontré que cette réforme, dite réforme Vickers, ne règle en rien le problème du contrôle du risque systémique des banques universelles, Naulot, sans mentionner le nom de Jacques Cheminade, note avec inquiétude que « certains économistes proposent d’aller plus loin, de couper tout lien entre banque de dépôt et banque d’investissement, de revenir à un Glass-Steagall Act pur et dur. Ce serait une erreur. »

A tout prendre, dit Naulot, suivons Obama [dont les « réformes bancaires » sont inopérantes, ndla] : « La version moderne du Glass-Steagall Act, c’est en réalité la réforme américaine, la Volcker Rule, adoptée en juillet 2010 dans le cadre de la loi Dodd Franck et défendue avec courage par l’administration Obama contre les lobbies de toutes sortes. Cette réforme a un double mérite : elle est simple et d’application immédiate. »

Alors que le candidat Cheminade commence à faire connaître son programme pour Un monde sans la City ni Wall Street, la remise en cause de la finance folle est à l’ordre du jour. D’après nos propres sources, « depuis le discours du Bourget, les banques exercent des pressions inimaginables » à l’encontre du candidat socialiste François Hollande.

Notons également que, sans disposer d’éléments suffisants pour démontrer cette hypothèse, on peut craindre que l’incident survenu le 1er février, lorsqu’une femme, profitant d’une seconde d’inattention des forces de sécurité, a réussi à monter sur le podium pour enfariner le candidat, sonne comme un avertissement.

Ce qui est clair, c’est que certains n’hésitent pas à envenimer le débat. Provoquant un tollé, le ministre de l’Intérieur Claude Guéant, se joignant de fait à la mouvance du provocateur néerlandais Geert Wilders visant à susciter un « choc des civilisations », n’a pas hésité à affirmer avec un plaisir pervers que « contrairement à ce que dit l’idéologie relativiste de gauche, pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas ». Répondant à la provocation par la contre-provocation, Jean-Luc Mélenchon, dans un entretien à Libération, a aussitôt rétorqué que « tout le monde a compris qu’il voulait désigner les musulmans. Il pense que la civilisation chrétienne, qui a engendré la Shoah, est d’une nature intrinsèquement supérieure. Tout cela est absurde. »

C’est donc dans le contexte d’un chaos orchestré, voire d’un retour aux guerres de religions, qu’il faut situer la campagne abjecte de Civitas, un groupuscule d’agitateurs ultra-catholiques, qui lance une campagne nationale d’affichage et d’autocollants exhibant le visage de Hollande avec le slogan : « Attention ! Candidat nuisible aux Catholiques ! », le désignant comme cible éventuelle d’autres attaques.

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